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de Ramdane HAKEM

S'intéresse au devenir de l'Algérie dans la mondialisation

Djaffar Ouahioune, l'enfant du 20 avril 1980

Publié le 5 Octobre 2010 par Algérie en Questions in Ils t'aimaient, Algérie

Sur l'un des pitons de la Colline Oubliée, le samedi 10 mai 1997, Djaffar Ouahioune, un des enfants du Mouvement de 1980 est  tombé sous les balles islamistes.

Ce jour là, un groupe d'hommes en tenue militaire traversait le village et pénétrait sans difficulté à l'intérieur du lycée. Ceux qui les avaient vus les avaient pris pour des éléments de la gendarmerie. Kamel Aït Hamouda, un ami de Djaffar qui travaillait également dans l’établissement, fut rapidement neutralisé.   

Djaffar, professeur de mathématiques au lycée des Aït-Yenni, donnait une leçon d’algèbre à des élèves attentifs. Il était au milieu de la salle, le bras désignant la dérivée f’(x) d’une fonction qui n’a plus de sens quand la mort fit exploser la porte de la classe : dans l’âcre odeur de la poudre brulée, il s’affaissa sur le  champ, en même temps qu’un de ses élèves (retrouver son nom), tous deux grièvement atteints.  

Agonisant, couvert de sang, Djaffar fut traîné par ses assassins hors de la classe. Les islamistes voulaient probablement que tout le lycée puisse voir, dans la cour, leur oeuvre abominable. Là, devant les maîtres et les élèves paralysés par l'horreur et la peur, les messagers de la mort, sans état d’âme, achevèrent au nom d’Allah le professeur à la blouse blanche et aux mains couvertes de craie.

Avant de se retirer, les djihadistes prirent soin de tuer le jeune Kamel Aït Hamouda dont le nom et celui de Djaffar, désormais, seront irrémédiablement enlacés, s’ajoutant à la trop longue liste des victimes de la barbarie intégriste.  

Disons-le : avec Djaffar, nous (croyions que nous) n'étions pas de la « même  tendance politique ». Pourtant, nous avions participé ensemble, au début des années 1980, à construire un puissant mouvement démocratique, utile à l'Algérie moderne.   

Il me souvient que Djaffar était, en même temps que mes camarades Djamel Zénati, Aziz Tari et Idriss Lamari, du Comité étudiant qui invita Mouloud Mammeri, un certain 10 mars 1980. Cette conférence sur  "La poésie Kabyle ancienne", interdite par le pouvoir de Chadli Bendjedid, était la goutte qui fit déborder le vase. Il en naîtra l'un des plus riches mouvements démocratiques que l'Algérie indépendante ait connus. Ces « jeunes » exprimaient une volonté collective embryonnaire qui s'affirmait, qui imposait progressivement l'Algérie nouvelle, fière de ses racines Amazigh et ouverte aux défis du monde actuel.

Certes, Ouahioune n'était ni un grand théoricien ni un grand orateur. Non, Djaffar était parvenu à s’imposer comme un des principaux animateurs du mouvement de masse, à la fois par son attachement aux principes et par ses qualités exceptionnelles d'homme d'action. Il était de toutes les Assemblées générales, de toutes les expéditions d'information auprès de la population, de toutes les distributions de tracts, de toutes les grèves, de toutes les manifestations interdites...

Après qu’au matin du 20 avril 1980, les forces spéciales de la gendarmerie nous eurent attaqués, à l’université de Tizi-Ouzou,  il fut un des rares militants actifs à échapper aux filets de la répression. Comme beaucoup, il bascula dans la clandestinité ; mes camarades (arabophones) d’Alger le prirent un temps en charge, le temps que dura l’orage. Je l’ai retrouvé aux premières éclaircies, et nous assurâmes ensemble l’animation du fantastique élan de solidarité qui se développa en Kabylie, dans toute l'Algérie et en Europe.  Manifestations populaires et grève générale, information de la population et des médias, négociations avec les autorités, contact avec les familles, visites aux détenus...; de longs mois d'activisme sans sommeil qui culminèrent par une éclatante victoire: la libération des 24 derniers détenus du Mouvement.

La solution par la violence que programmaient de larges pans du pouvoir et que préconisaient quelques résidus du populisme berbériste fut mise en échec; une Algérie nouvelle qui avance par des confrontations démocratiques et pacifiques naissait.

Nos chemins ont par la suite  quelque peu divergé; mais nous avions gardé l’un pour l’autre le respect que se doivent ceux qui ont affronté ensemble la machine absurde du pouvoir répressif.

Longtemps, Djaffar refusa d'admettre les déchirements qui firent imploser le F.F.S, un parti auquel il était profondément attaché mais que traversait cette profonde césure entre modernité et archaïsme qui fait inexorablement se fracturer l'unité culturelle de l'Algérie. Il était avant tout homme de principes et d'action. Beaucoup plus attaché à la cause Berbère qu'à ses représentants du moment, il parvint à se libérer de l'emprise du leader charismatique et  rejoignit le RCD qui lui paraissait plus proche de la cause qu'il défendait. 

Notre dernière rencontre remonte  à l'enterrement de Mustapha Bacha, ami commun et autre leader du printemps Amazigh qui manquera dans les luttes à venir. Malgré l'abattement qui se lisait sur son visage (c'est Mustapha qui l'initia à la politique alors qu'il était encore lycéen) il était comme une abeille, débordant d'activité. Exactement comme en 1980.

De fait, ses études universitaires achevées, Djaffar avait choisi d’enseigner au lycée de Beni-Yenni, à quelques lieues de Tassaft, le village de ses ancêtres. Les attentats islamistes étaient quotidiens. Mais à aucun moment, la peur n’ébranla sa volonté de semer les graines de la pensée scientifique au cœur du village de Mouloud Mammeri, l’immense écrivain dont il fut ardent admirateur. Curieuse destinée: Djaffar, l’infatigable chasseur de l'identité Amazigh était venu mourir à deux pas de la sépulture du plus grand des intellectuels ayant porté la revendication Berbère. 

En ces années 1990, les flammes  islamistes de la haine bouleversaient la vie Algériennes et Algériens. En raison de la faible implantation djihadiste en Kabylie, cette région échappa un  temps au déferlement bestial du terrorisme. On la qualifia même de "Suisse algérienne". Mais ce peut-il vraiment qu'un havre de paix puisse exister dans le cratère d’un volcan en éruption ?

Considérant sa population impie, les islamistes voyaient et voient toujours dans la Kabylie une terre de djihad. Elle est, par ailleurs, pour les terroristes un sanctuaire du fait de son relief tourmenté propice à l'implantation de maquis. Le pouvoir néo FLN également cherchait depuis longtemps l'occasion de faire payer à la Kabylie sa tendance permanente à la rébellion.

Ainsi, les stratégies combinées des deux principales forces antagoniques, le populisme nationaliste et la réaction islamiste, portèrent dans le bastion du mouvement pacifique de 1980 l'affrontement sanglant où se joue l'avenir de l'Algérie.

L'assassinat de Mahfoudh Saidi, de Nabila Djahnine, Said Tazrout,  Achour Belghezli, Cheikh Stambouli et de tant d’autres citoyens, l'enlèvement puis le meurtre de Lounès Matoub ne laissèrent plus  que deux alternatives aux républicains conséquents cherchant à tromper, au moins provisoirement, les desseins de la mort. Prendre le chemin de l'exil comme le firent des dizaines d'intellectuels ou prendre les armes et se faire Patriotes résistants. Djaffar faisait partie de cette génération pacifique qui avait choisi la résistance armée. Le journal Le Monde les a traités d' "hommes de main" du Pouvoir.

Drôle de sbires en tout cas : Djaffar était sous le coup d'une condamnation à deux mois de prison pour port d'arme non autorisé. Les terroristes islamistes n'avaient pas laissé à la justice de monsieur Zéroual le temps de le jeter en prison.

 

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