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de Ramdane HAKEM

S'intéresse au devenir de l'Algérie dans la mondialisation

Montée de la rationalité et genèse de la société moderne selon Max Weber

Publié le 12 Février 2012 par Algérie en Questions

Ce petit texte sur Max Weber explique comment la généralisation de la rationalité  aura été essentielle à la formation des sociétés modernes développées.

Les couches sociales dominant le monde musulman utilisent une conception vulgaire de l’Islam pour empêcher l’épanouissement de la rationalité dans les comportements individuels et collectifs. En Algérie, même l’enseignement de la philosophie a été supprimé (on lui a substitué des rudiments de psychanalyse au rabais) afin d’empêcher nos élèves et étudiants de se poser les « questions qui fâchent ». Elles ont la rationalité en horreur car elle les obligerait à justifier leurs pratiques parasitaires et rentières. Ce faisant, elles privent leurs sociétés, alors que l’interdépendance mondialisée instaure une compétition économique sans merci, d’un vecteur déterminant pour survivre. L’islam en tant que religion n’y est pour rien, lui qui a engendré d’éminents rationalistes, à l’instar d’Ibn Khaldoun, Ibn Sina, Ibn Ruchd, Ibn Tufayl…C’est son interprétation littéraliste, intégriste, qui est en cause.

 Weber : rationalité et action sociale.

In Petit manuel de sociologie à l’usage des économistes de Guillaume Vallet. PUG 2011

 Weber est un sociologue très préoccupé par les conditions sociales de son temps. Dans une société qui se complexifie, où la nature du lien social est ame­née à se transformer et plus largement où les individus s'interrogent sur ce qui les rassemble, Weber tente de fournir des réponses scientifiques à ces problé­matiques. Privilégiant une approche différente de celle de Durkheim, Weber apporte lui aussi une contribution importante à l'élaboration d'une « sociologie scientifique» moderne, que ce soit à travers ses objets d'étude ou ses méthodes.

 La rationalisation en Occident

Comme Durkheim, Max Weber (1864-1920) constate les changements sociaux et économiques dans son pays, l'Allemagne. Celle-ci connaît un développement de l'économie marchande, qui bouleverse les structures économiques et sociales. À partir de ce contexte historique, Weber cherche à mieux comprendre les origines de l'Occident et du monde moderne, marqué par un processus de rationalisation des activités sociales. Cela signifie que la rationalité est de plus en plus intégrée dans les comportements individuels. La rationalité est un type de comportement consistant à adapter les moyens aux fins par l'utilisation de la raison et du calcul. À partir de là, Weber détermine différents idéaux types de rationalité, et met en évidence qu'un de ceux-ci s'impose particulièrement au sein des sociétés occidentales :

- la rationalité en finalité ou instrumentale: le comportement est guidé par la raison, le calcul, la technique, avec des critères de rentabilité et d'efficacité, de maximisation sous contrainte. L'acteur conçoit un but précis et combine des moyens logiques pour y parvenir ;

- la rationalité en valeur: le comportement de l'acteur se conforme à des valeurs non économiques, autrement dit des valeurs morales absolues qu'il cherche à défendre ou à promouvoir. Il agit en cherchant à rester en conformité avec des impératifs ou des exigences qu'il s'impose. ;

- la rationalité affective ou «affectuelle»: l'action est guidée par les passions et les sentiments, ce qui la rend irréfléchie et irrationnelle pour Weber;

- la rationalité traditionnelle: le comportement de l'acteur se fonde sur le respect de la coutume et de la tradition.

En lien avec ces quatre idéaux types de rationalité, on peut leur faire cor­respondre trois formes de légitimité, à partir desquelles va s'exercer une domination :

- la légitimité charismatique: elle est fondée sur la reconnaissance par la société du caractère exceptionnel du chef;

- la légitimité traditionnelle: elle est fondée sur le respect de la coutume et de la tradition ;

- la légitimité légale ou rationnelle légale: la domination et l'autorité s'appuient sur des lois et des règles impersonnelles, qui s'appliquent à tous de la même façon. Les individus ne se soumettent pas à l'autorité d'une personne en particulier, mais à une personne qui représente l'autorité légale.

Ainsi, le capitalisme peut être associé au développement de la rationalité en finalité — et de la légitimité rationnelle légale — dans toutes les sphères de l'existence. L'économie moderne est considérée comme rationnelle en ce qu'elle est commandée par la gestion et l'organisation la plus productive pos­sible. Elle est marquée aussi par le monde urbain et un droit moderne.

Nous pouvons à partir de cette première présentation mettre en lien le processus de rationalisation, l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, tel que Weber l'a fait dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1905). II y présente tout d'abord les fondements de la morale protestante, basée prioritairement sur la doctrine de la prédestination. D'après celle-ci, chaque individu est prédestiné par un décret divin qui intervient avant le commencement du monde. Cette décision divine est irrévocable, mais il n'y a pas de signes de son élection ou de sa damnation. Cette doctrine place alors les protestants dans l'inquiétude et dans l'incertitude du salut, puisque le croyant est seul à seul face à Dieu et qu'il n'existe pas de miséricorde. C'est pourquoi il cherche des signes de son élection dans des succès au sein du monde ici bas.

Dans cette perspective, la doctrine de la prédestination développe chez les protestants un «ethos bourgeois de la besogne»: de l'inquiétude où ils se trouvent plongés naît une quête incessante de signes de salut à travers un travail intensif qui n'a pas pour but la satisfaction individuelle mais sert de dérivatif à l'angoisse, et surtout permet la construction d'un monde dédié la gloire de Dieu. À partir de là, se diffuse une morale pratique reposant sut une utilisation systématique de temps pour le travail et une morale ascétique de renoncement à tous les plaisirs de la vie. Ici, toute richesse supplémentaire créée doit être épargnée, puis réinvestie. Par conséquent, selon Weber, les implications de ces prescriptions ont été favorables au développement d'une attitude capitaliste, essentielle dans la phase du « take off».

C'est pourquoi, s'il a pu exister des embryons de capitalisme dans d'autres sociétés, Weber montre que nulle part les éléments cités ci-dessus n'ont donné lieu à la rationalisation qui caractérise le développement du capita­lisme moderne. Il précise cependant qu'il ne faut pas donner à la relation entre protestantisme et capitalisme le sens d'une relation causale mécanique: celle-ci n'est que probabiliste, et l'éthique protestante n'est sans doute pas la cause unique ou suffisante du développement du capitalisme. Il faut davan­tage considérer qu'il y a davantage des « affinités électives » entre l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme.

Quoi qu'il en soit, l'extension de cette rationalisation des activités sociales en Occident induit de nombreuses conséquences. La première est la place importante accordée à la sphère économique, dont la logique propre éloigne l'individu d'autres groupes plus traditionnels, comme la famille ou la religion. Cela développe l'individualisme et l'individuation, qui s'insèrent dans une nouvelle forme de société. De plus, le développement de la rationalisation au sein du capitalisme moderne nécessite l'apparition de structures bureaucratiques. La bureaucratisation des sociétés modernes est un phénomène irréversible pour Weber en raison d'une efficacité technique supérieure aux autres formes d'administration : elle est plus rapide, plus précise et plus objective, et elle permet de résoudre les problèmes en évitant les conflits de personnes et d'augmenter la prévisibilité des actions.

Mais le processus de rationalisation signifie aussi une différenciation accrue des différentes sphères de valeurs. Chacune tend en effet à s'autonomiser de telle façon qu'elle se développe selon sa propre logique et ses propres lois de fonctionnement. Il existe alors un risque d'entrer en conflit avec d'autres sphères de valeurs qui se sont rationalisées selon une autre logique. En particulier, en évinçant peu à peu les explications religieuses, au sens de magiques surtout, du monde, la rationalisation spécifique à la sphère intellectuelle débouche sur le « désenchantement » du monde, qui peut revêtir deux sens différents, mais complémentaires.

Premièrement, la part des explications surnaturelles ou mystiques de la vie des hommes régresse, car la rationalisation implique que les hommes agis­sent en calculant, en ayant recours à la technique ou à la prévision. C'est le premier sens du mot désenchantement, plutôt positif en termes de libération de l'homme. Le deuxième sens est en revanche plus problématique, car il signifie perte de sens dans la vie de l'individu. Car si la science utilisée avec la rationalité instrumentale permet d'expliquer le monde, elle ne lui donne pas un sens. De plus, c'est désormais à l'individu de construire lui-même sa propre existence, ce qui peut provoquer une certaine frustration ou lassitude de l'existence, ainsi qu'une certaine atomisation de l'individu liée à cette quête du sens de la vie.

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